Mélancolie et dépression

Un bref historique de la mélancolie et de la dépression.

Melencolia I ou La Melencolia est le nom donné à une gravure sur cuivre d’Albrecht Dürer datée de 1514
Melencolia I (B. 74; M., HOLL. 75) *engraving *24 x 18.8 cm *1514

Le terme mélancolie, emprunté au grec ancien μελαγχολία composé de μέλας (noir) et de χολή (la bile), recouvre plusieurs significations relevant de son histoire dans la psychiatrie, la psychanalyse, la philosophie et la littérature. Étymologiquement, le mot mélancolie signifie la bile noire, renvoyant ainsi à la théorie des quatre humeurs d’Hippocrate : le sang, la lymphe, la bile jaune et la bile noire. Ces quatre humeurs déterminent notre tempérament qui est sanguin lorsque le sang prédomine, lymphatique pour la lymphe, bilieux pour la bile jaune et enfin mélancolique pour la bile noire. Les Anciens pensaient que cette bile noire provoquait une mélancolie qui était exclusive aux génies. Cicéron reprenant Aristote affirme : « Aristote dit que la mélancolie est le partage des grands génies ». Cicéron est conscient que le mot melancholia recouvre plusieurs états, du génie à la folie. Il apparaît alors que la notion de mélancolie est très ancienne et très étroitement liée aux quatre tempéraments. La Renaissance a hérité non seulement de toutes ces significations, mais aussi de tous les commentaires qui s’y étaient attachés, comme par exemple celle de la tristesse au sens littéraire.

« Aristote dit que la mélancolie est le partage des grands génies. »

Cicéron

Dans l’Antiquité grecque, la mélancolie est rattachée au deuil dû à la perte d’un proche. Les stèles funéraires attiques présentent des individus prenant des poses de deuil. De même, Pénélope est représentée devant son métier à tisser, toute mélancolique. Certes, la mélancolie dans le sens antique n’a aucune connotation négative car elle permettait tout simplement de vivre le deuil et de se reconstruire en surpassant tous les états de tristesse. Les philosophes grecs s’interrogeaient sur la mélancolie, comme Aristote qui se demandait pourquoi tous les hommes d’exception étaient bilieux : « Pourquoi tous les hommes qui se sont illustrés en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts, étaient-ils bilieux, et bilieux à ce point de souffrir de maladies qui viennent de la bile noire, ainsi on cite Hercule parmi les héros ? Il semble qu’en effet Hercule avait ce tempérament ; et c’est aussi en songeant à lui que les Anciens ont appelé mal sacré les accès des épileptiques ». D’autre part, Hippocrate appréhende d’une manière fausse la mélancolie comme trouble de la bile noire. Ainsi, la rate serait-elle responsable de ce trouble alors qu’il s’agit de l’organe des défenses immunitaires selon la médecine actuelle. 

Toutefois, la mélancolie acquiert plusieurs dimensions au fil du temps, mais garde une signification proche de la détresse ou de la dépression telle que la psychiatrie actuelle la définit. Dans l’histoire littéraire, des quatrains d’Omar Khayyâm, poète et savant persan du XIe siècle, en passant par l’œuvre lyrique de Guillaume de Machaut, écrivain français du XIVe siècle, plus particulièrement le Roman de la Rose, Les Chimères de Gérard de Nerval ou bien Le spleen de Paris de Baudelaire au XIXe siècle, jusqu’aux écrivains du XXIe siècle, la mélancolie peut désigner tout état d’âme allant de la tristesse profonde à la folie, bien qu’au XVIIe siècle le terme ait été affaibli à un simple état de tristesse. Néanmoins, c’est à partir du XIXe siècle où la mélancolie est associée à un mal-être, à une maladie clinique que la psychiatrie appelle actuellement dépression. 

La mélancolie a été traitée fort abondamment par les chercheurs, tant en littérature, philosophie qu’en psychanalyse. Freud, précurseur dans le domaine analytique, a consacré un essai entier à cette affection psychique. Afin de traiter la notion de la mélancolie, à la suite de Karl Abraham, auquel nous devons la plus importante des rares études analytiques sur ce thème, Sigmund Freud dans l’essai Deuil et mélancolie (1915), établit une comparaison avec le deuil. Bien que Karl Abraham distingue la dépression de la névrose, le texte fondateur sur la théorie de la mélancolie demeure le Deuil et mélancolie de Freud. En rappelant le caractère pénible de ces deux affections, il a pu relever un certain nombre de similitudes. Leur point commun est la perte de l’objet aimé. Néanmoins, ce qui frappe dans cet essai, c’est que nous ne pouvons pas identifier spontanément ce qui a provoqué la mélancolie chez le sujet. En revanche, le deuil consiste à une réaction suite à la perte de l’objet aimé, chose qui peut être facilement identifiable. Ce texte ne donne pas une explication de la mélancolie, mais propose en fait une interprétation en comparant le deuil à la mélancolie.

L’évolution de la pratique analytique ainsi que les travaux analytiques ultérieurs ont démontré ou contesté les résultats de l’étude de Freud : ils vont à la fois dans le sens d’un approfondissement de cette conception freudienne et dans une différenciation entre la mélancolie et les différents états dépressifs. Selon Melanie Klein par exemple qui s’inscrit dans la tradition des travaux de Karl Abraham, étant lui-même élève de Freud, l’ambivalence et la haine jouent un rôle déterminant dans la genèse de la mélancolie. Certes, les positions freudiennes sont toujours en vigueur afin de saisir les particularités du délire mélancolique.

Au moment de la théorisation de ces notions, le terme « dépression » était utilisé en tant qu’adjectif pour décrire un appauvrissement général de la vie affective et intellectuelle du sujet mélancolique. De nos jours, on réduit la mélancolie à une phase aiguë de l’état dépressif majeur ou même du trouble bipolaire, anciennement appelée psychose maniaco-dépressive, comme alternance de phases de manie et de mélancolie. Dans le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), la psychiatrie moderne décrit un « épisode dépressif » ainsi qu’un « trouble dépressif ». Parmi les dépressions qui y figurent, le plus grave état dépressif consiste à une « dépression mélancolique ». La mélancolie est donc la forme la plus poussée de dépression ; il ne s’agit pas d’une simple affection, mais d’une psychopathologie. La symptomatologie mélancolique est plus poussée que la simple dépression où il implique entre autres aboulie, anorexie, insomnie, sentiment d’incurabilité, sentiment de culpabilité et même désir suicidaire. Dans la mélancolie s’y ajoute une véritable douleur morale où le malade ne voit d’autre issue que la mort, pour lui-même et parfois pour ses proches, ceux qu’il aime le plus. Sous cet angle-là, la mélancolie peut être considérée comme une psychose.

La mélancolie est une forme de psychose. Autrefois considérée comme une maladie sacrée, elle occupe une place prépondérante dans tous les types d’expression de l’émotion humaine où elle apparaît comme un vecteur d’anxiété, de fertilité, de clarté et de sagesse.

© Éditions Bizet, 2022

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